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Supplique


La terre est douce folie. Et toutes les parcelles de ma chair y consentent. Pas d’autre endroit où je voudrais vivre et mourir. Pas d’autres cieux glorieux, loin de la sueur et du temps, où il ferait bon vaquer et se perdre. Juste la terre et son souffle de sève et sa main généreuse qui porte mes pas. Juste les ombres du plein hiver et les heures lumineuses de l’été. Entre ces deux solstices, le monde. Sans dessus-dessous, mélangé, la tête en bas, le coeur défait. Hésitant, tâtonnant.

La terre est douce folie. Dans l’eau de ses rivières, j’ai déposé ma tête. Mes cheveux dansent, lascifs, parmi les ondées. J’entends au loin les bruits du monde. Je nourris le repos dans les replis du silence et de l’inutile. Comme on se tient au chevet d’un mourant. De tout mon corps, bruissant et fertile, je m’allonge sur la pierre brûlante de mon âme. J’entends ce grand vacarme dans mes soubassements. Je vois ces visages sans miroir, errants de ne pas trouver deux yeux pour se reconnaître enfin. Je vois ces plaies béantes que rien n’a su refermer qu’une croûte suintante, acide et rugueuse, qui blesse tout sur son passage. Je vois ces cœurs dévastés par les tempêtes, ces corps passés à feu et à sang. Et sous les manteaux sans nom de cette humanité mendiante, j’entends battre en moi le cœur d’un amour déraisonnable. Pour le meilleur et pour le pire. Sans condition, sans contrat. Aimer ce monde et son odeur de souffre. De toute ma déraison. De toute ma folie.

La terre est douce folie. Ferme les yeux. Sens comme la sève inonde ton corps. Comme elle bouscule l’ordre de ton monde. Entends la danse primitive des atomes à l’intérieur de toi. Cette insoumission du vivant dans le sang de ta vie. Il est temps d’éclore. D’exposer la tendresse de ton cœur à la morsure de l’hiver. Ne crains pas… N’entends-tu pas ce bruissement de promesses ? Il s’enfle et s’arrondit comme la gorge des oiseaux annonçant le printemps. Libres et victorieux d’avoir encore su terrasser l’oubli. Sens cette immensité intrépide en toi qui fourmille et plonge sous tes pieds jusqu’au centre des mondes … Tu te sens arbre de vie d’où jaillit une source naissante ? Oui ! Et ce monde à soif !  Sais-tu que tes racines sont aussi lointaines que l’éternité et l’infini réunis ? Alors dis-moi, que crains-tu, sinon ta propre magnificence, l’or de ta chair et de ton sang ?

La terre est douce folie, oui … Et le monde a besoin de l’ivresse de ta danse. De la jubilation de ton chant. De la nudité de ton âme. De l’imprévisible de ta vie. Entends-le qui se craquèle sous le poids des renoncements. Entends ce cliquetis des os que le sang a déserté, comme il sonne le glas de l’absence. La chair du monde, terre de tous les édens, réclame la douce folie de tes mains, de tes bras, de ton corps tout entier.

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