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Claudia NOTTALE, artiste Sensible

Claudia Nottale, metteur en scène, réalisatrice (documentaire Arte/ Film du Grain de sable : Elie), clown  (solo J’ai mis une Jupe, un autre solo est en cours de création Docteure Kiss, sortie 2020, Cie Claudia Nottale / Poisson Pilote).

Pédagogue perceptive, elle anime des formations (clown et danse sensoriels). Elle intervient dans les formations professionnelles en Expressivité du Sensible (trois ans dont un Diplôme Universitaire). Elle accompagne des artistes dans des étapes de créations (2 Rien merci, avec ou Sanka, La Fausse compagnie etc.). Son Master de recherche  2 en Psychopédagogie Perceptive, (Université Fernando Pesoa, Porto, Portugal – Laboratoire du CERAP) est consultable en ligne sur ce lien :

http://www.cerap.org/sites/default/files/public-downloads/mestrados/m_claudia_nottale_V12.pdf

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En répétition je vis un mélange de foi et de doute… Mais la foi est plus forte que le doute. Je suis une chercheuse : je cherche, je médite, j’expérimente. "

Tu te sens plutôt créatrice, co-créatrice, inventeuse, artisane, interprète, … ?

 

Je me sens créatrice. Et ce n’est pas que dans les œuvres que j’expose devant des publics en tant que metteure en scène, interprète ou dans ma pédagogie lorsque j’anime des stages.

Se sentir créatrice est pour moi un art de vivre : autant dans les ingrédients que je vais assembler pour un plat cuisiné, dans ma danse improvisée après avoir pratiqué du codifié (chorégraphie de gymnastique sensorielle créée par Danis Bois) que dans ma pédagogie lorsque j’anime formations et stages. Ce qui est répétitif et automatique peut devenir ennuyant, aussi ce qui me permet de rester vivante est d’explorer un processus de recherche dans le présent afin de remplir les objectifs que je me donne ; par exemple en tant que pédagogue je vais chercher :

- comment mieux faire passer mon propos ?

- de nouveaux outils, des exercices, des processus de compréhension pour rendre accessible, compréhensible, faire expérimenter etc.

En tant qu’interprète, lorsque je joue en public mon solo de clown je me sens créatrice au coeur du moment présent, en réciprocité avec moi, le public et la salle. Je suis une alchimiste qui écoute, accorde et unifie ces différents paramètres… Je vais modifier mon interprétation en fonction de mon ressenti intérieur en relation avec l’extérieur.

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Parmi tes œuvres, quelle est celle que tu aimes le plus et pourquoi ?

La question ne se pose pas pour moi en terme de « j’aime ou je n’aime pas » : ma vie et mes œuvres suivent un processus créateur et d’expression qui ne sont pas séparés.

Ainsi à 40 ans j’ai voulu exprimer par le vecteur d’un solo de clown ce qui était alors pour moi indicible. J’avais choisi des textes d’une mystique chrétienne qui me permettaient de transmettre l’amour que j’avais ressenti dans une expérience d’éveil spontané. J’avais alors besoin de passer par les mots écrits par une autre. Au cours de la création, en répétition, alors que je disais un des courts textes que j’avais choisis, je me suis rendu compte qu’il était tellement transcendant que la neutralité seule était le moyen le plus pertinent pour le transmettre dans son essence. J’ai alors apporté mes accessoires de clown et improvisé, ce qui a généré une parole créative que je ne m’autorisais pas précédemment. C’est ainsi qu’est né mon solo de clown  : de la rencontre d’un texte transcendant et de la parole de mon clown exprimant le rapport à ce texte.

Image : J'ai mis une jupe

Par la suite j’ai fait une recherche en master 2 en Psycho-Pédagogie Perceptive (Université Fernando Pessoa de Porto, Portugal / laboratoire du CERAP). Ma recherche portait sur les expériences d’éveil spontané (expériences paroxystiques selon Maslow) en relation avec ce que je vis dans mes méditations Pleine Présence selon Danis Bois. Ce qui était indicible est alors devenu très simple à partager et à transmettre. C’est ce que j’ai fait par mon mémoire consultable en ligne et par une dizaine de conférences que j’ai données avant de jouer ce solo de clown. La conférence nourrissait ainsi le solo et le solo nourrissait la conférence. Entre la conférence et le spectacle j’animais une méditation de pleine présence pour les spectateurs avant d’aller me préparer pour jouer. C’est ainsi que j’ai emboîté vingt-cinq ans de ma vie…

A présent je suis en création sur un deuxième solo de clown Docteure kiss (sortie prévue en 2020). C’est comme une deuxième incarnation pour mon clown. Dans la première incarnation il a tout raté. Dans cette deuxième vie il va réussir… malgré lui, grâce au collectif…

Qu’est-ce qui te donne envie de créer ?

 

Autrefois je n’imaginais pas ne pas être sur scène c’était une raison de vivre, et puis le cours de ma vie a changé. A présent je suis autant intéressée par la pédagogie, l’accompagnement à la création des autres (performance, clown en solos, duos, groupes), du coup retourner moi-même sur scène ne se fait pas pour les mêmes raisons que par le passé.

Par la création j’ai envie de me rencontrer et de m’exprimer mais surtout je suis portée par une motivation profonde à transmettre une qualité de présence ainsi que ma propre expérience. Il s’agit de déployer mon potentiel comme je le fais pour les autres que j’accompagne : un potentiel d’expression, un potentiel de présence d’être et un potentiel d’action.

Il s’agit également d’exprimer une relation intime et singulière à ma vie, à la vie et au cosmos.

Je cherche à transmettre un amour transcendant,mais aussi toucher, et pourquoi pas à déranger et à exprimer un rapport humoristique au vivant qui va faire un reflet pour chacun de son propre rapport au vivant. Il s’agit d’être un miroir de notre humanité pour mieux la faire aimer.

Il y a aussi la volonté de faire l’expérience de l’enseignement que je propose aux autres. Me remettre dans l’exploration par mon corps, ma voix, mes pensées, émotions, imaginaires, présence conscience etc. J’essaie d’appliquer sur moi la pédagogie que j’enseigne aux autres !

Qu’est-ce qui t'éloigne de la création et comment fais-tu pour en retrouver le chemin?

 

Ce qui va m’éloigner de la création de mon solo de clown, c’est tout ce que je fais et qui n’est pas ça. Pour continuer je me donne des rendez-vous dans le temps. Je réserve des jours, des semaines dans une salle pour répéter. Je donne des RDV avec ceux qui co-créent avec moi ou qui m’accompagnent : regards extérieurs, administratrice, costumière, créateur de lumière, de bande son etc. Je me donne des échéances dans le temps pour des tops arrivés. Par exemple être capable en automne de présenter tout le spectacle sans la technique et au printemps le présenter avec la technique (création lumière, vidéo-projections, bande-son finalisée).

Je sais par expérience que les temps durant lesquels je ne suis plus concentrée sur cette création permettent de décanter et de lâcher prise. Par exemple un passage qui a besoin d’être raccourci et auquel je suis attachée pourra être réduit facilement après un temps de pose. Des solutions ou de nouveaux possibles émergent parfois aussi après des temps de pose (de point d’appui).

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Image : J'ai mis une jupe

Dans ton expérience, quels sont les liens qui existent entre idée, matière, corps et création ?

 

Pour ce qui est de mes deux solos de clown (celui déjà créé et celui en cours de création) ils suivent un cheminement intérieur, d’’expérience, de réflexion, de perceptions, de questionnements. Ils sont nourris de ma vie intime, intérieure, de mes méditations ; ainsi beaucoup d’images, d’idées, d’envies me viennent en méditations. Je les note, les dessine, j’ai des cahiers que je remplis. Ensuite je les laisse murir. Par la suite il y a le passage par le corps : j’improvise avec cette matière qui est moi. J’enregistre en vidéo les répétitions puis les visionne et les retranscris. Par la suite je reprends des séquences et les creuse par le corps, comme une chercheuse : je cherche tout ce que je peux explorer dans la situation. J’essaie des costumes… Et comme pour une sculpture qui prend forme par étapes ma « matière/création se transforme » jusqu’à arriver à une forme que je peux toujours affiner grâce à des détails. Ainsi dans mes premières répétitions je travaillais avec une bâche en plastique transparente que j’accrochais et je jouais derrière elle comme avec la mer. Au fil des répétions la bâche extérieure s’est transformée en costume sur moi… Maintenant la mer est sur moi et le bruit de mes pas est aussi celui des vagues… La mer est devenu la Grande mère symbolique, ainsi que différentes images et formes féminines que j’incarne par ce costume, une chorégraphie, des émotions, ma présence méditative. De cette mère va naître mon clown : c’est un processus de création évolutif dans le temps.

Pourrais-tu nous raconter ce qui se passe à l’intérieur de toi quand tu es en train de créer (en nous donnant un exemple) ?

En répétition je vis un mélange de foi et de doute… Mais la foi est plus forte que le doute. Je suis une chercheuse : je cherche, je médite, j’expérimente. Je refais de nombreuses fois. Parfois l’alchimie ne prend pas et ça peut durer longtemps. Parfois il y a comme des trouvailles, des découvertes, voire des révélations, qui peuvent se donner en méditant, en répétant, ou apparaître du corps lui-même ou comme par hasard.

Parfois un lieu nouveau de répétition, une personne qui est là avec son regard curieux va allumer une flamme créatrice qui va m’animer, me faire découvrir…

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Image : J'ai mis une jupe

Comment sais-tu qu’une œuvre est terminée ? A quoi le reconnais-tu ?

Il y a des étapes. A un moment le sujet raconté est saturé dans ses différentes séquences et dans un tout, c’est une matière qui s’est structurée, il y a une chorégraphie, un texte, des émotions, des rapports au public. Ils sont définis mon propos est bouclé dans toutes les intentions que je m’étais données. Face au public ma gageure est d’exprimer ce qui vient du présent et qui modifiera la trame. Par exemple l’émotion va être plus ou moins intense ou subtile, les temps de Point d’appui plus ou moins long pour laisser raisonner ou émerger une émotion, etc. Je me donne aussi comme consigne de réactiver le fond de la création : les motivations premières qui font que je crée (certaines restent dans le secret de mon cœur). Aussi il y a deux axes à tenir celui de la trame, mise en scène, chorégraphie à ne pas lâcher avec un top départ, un processus dans le présent et un top arrivé ; et à l’intérieur de cela ne pas être automatique mais convoquer le vivant comme si c’était une première fois, comme une improvisation, et se remettre dans un processus de recherche au cœur de ce présent. Tout cela est création !

Entre les représentations je répète les passages qui ont perdus de leur vivant jusqu’à leur redonner une vie nouvelle. Cela demande de la persévérance. Et puis un spectacle nécessite de jouer un certain nombre de fois devant un public pour trouver son rythme.

Qu’est-ce que tu aimerais dire à celui ou celle qui n’ose pas se lancer dans un processus créatif ?

 

J’ai réalisé un petit film sur ma mère qui s’est mise à peindre pour la première fois à 88 ans et elle a créé tous les jours pendant quatre ans jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus tenir un pastel dans ses mains, quinze jours avant de décéder… Tout est possible et a n’importe quel âge.

 

Je conseillerais d’explorer un processus et de ne pas être obnubilé par le résultat.

D’avoir le temps pour partenaire. Soigner son rapport au jugement et à l’auto-jugement, c’est souvent ce qui paralyse mes stagiaires et je leur fais pratiquer des exercices pour soigner cela. Expérimenter dans un contexte bienveillant sans avoir de pression pendant le temps nécessaire puis se donner une gageure pour passer un cap réaliste sans mettre la barre trop haute et progresser ainsi par étapes.

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Si tu avais un livre, un artiste, une œuvre qui t'as touchée et que tu aimerais nous faire découvrir … ?

Michel Girard, mon premier enseignant dans la Méthode Danis Bois (appelé Pédagogie Perceptive maintenant) m’avait demandé d’écrire un témoignage sur mes expériences vécues en méditation et l’avait fait lire à Danis Bois que je n’avais alors jamais rencontré (j’avais une trentaine d’années). Danis Bois m’avait alors offert , (Guy Trédaniel Editeur) un livre poétique qu’il venait d’écrire. J’ai tellement été touchée par la lecture de ce livre que je pleurais en le lisant. J’avais le sentiment de rentrer à la maison après un long exil, les mots touchaient directement mon cœur, mon âme. La Pédagogie Perceptive c’est l’œuvre d’une vie, celle de Danis Bois, qui réunit corps et psychisme, science et humanité, psycho corporel et spiritualité. Il vient d’éditer chez Eyrolles un livre coécrit avec Isabelle Eschalier. Depuis je suis devenue enseignante, chercheuse dans cette méthode et j’utilise les outils et protocoles pour accompagner les autres à créer ainsi que pour mes propres créations.

Image : Danis BOIS

Et si tu nous partageais ton meilleur remède contre le découragement ?

 

Le temps ! Je ne suis pas toujours très patiente pour ce qui est du présent mais j’ai l’endurance dans le temps. Je me donne tout le temps dont j’ai besoin pour faire murir un projet et le concrétiser dans la création.

La motivation profonde doit être suffisamment forte pour continuer quand on rencontre des difficultés. Se faire aider, se donner des rendez-vous avec soi, avec d’autres est indispensable.

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