Corps tendu – Face haletante – Muscles arcboutés. Comme une fissure dans la toile de ma nuit. Un sursaut venu des limbes qui terrasse ce qui reste en moi d’orgueil. Me voilà rendu à ma condition – Transpirant et incertain – Arraché à mon repos.
Mon corps n’est plus qu’imprégnation dans ce réveil nocturne. Dernier reliquat d’une atmosphère dont presque tout m’a échappé. Perdure cette trace, spectrale, ce lambeau de rêve comme le roulis d’un souffle épais qui circule entre les portes entrebâillées de mes mondes intérieurs. Au plus noir de l’obscurité, je me tiens dans cette zone trouble. Indistincte. Mes songes ont tatoué étrangement ma chair jusque dans la cavité de mes os tremblants. Cliquetants. Ce petit bruit de soi …
Depuis mon départ, je n’ai plus de certitudes au sujet des frontières que je posais jadis sur le réel. Un chevauchement des espaces et des temps est à l’œuvre au-dedans de moi… Je mesure combien nous emmenons tout l’univers – visible et invisible – avec nous. L’existence a quelque chose d’un jeu de poupées gigognes. Nous sommes comme Alice, qui ajuste sa taille sur le seuil de la porte qu’elle s’apprête à franchir. Nous explorons les échelles, comme autant de kaléidoscopes intérieurs, qui nous permettront d’édifier notre vision du monde dans ses lignes et ses ressacs. D’en mesurer, d’un même souffle, la finitude et l’immensité – sans contradiction. L’épaisseur du vivant se donne si on rentre dans cette danse des paradoxes. Si l’on goûte à sa multitude renversante, sens dessus-dessous. A son évidence troublante et métissée.
Depuis mon départ, j’apprends à fermer les yeux pour mieux voir. J’apprends à les ouvrir au plus noir de la nuit pour y trouver les lueurs inébranlables de ma vie. Comme autant d’étoiles au dessus de ma tête dans cette nuit sans sommeil. Reçois-les toutes. Où que tu sois.
Ulysse.
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