Désert

Pardonne mon absence …
Je traverse une terre sans mot comme d’autres traversent le désert. C’est un désert que l’on ne parcourt pas mais dans lequel on établit son camp. Où l’on pénètre comme dans l’obscurité de la nuit.
Il y a quelque chose de brutal et de tendre à être vivant. Comme un élastique qui s’étire vers l’infini pour revenir parfois en gifle sur la pulpe de nos doigts. Quelque chose de doux et d’amer. Les deux pôles de nos terres intérieures. Et nous dansons, tremblants équilibristes, sur ce fil tendu entre deux siècles. Nous dansons sur la corde, tenant dans chacune de nos deux mains la confiance dont nous sommes dépositaire: une main pour la terre, une main pour le ciel, chacune réclamant sa part d’or et de félicité.
La seule gravité du vivant est celle qui nous pousse dans l’ourlet plus précis de nos empreintes. Dans cette marque singulière que nous laisserons au monde. Dans le poids de nos chairs. Dans l’inscription dans nos histoires. Comme si tout de nous disait enfin: « Je suis là ».
Depuis le commencement du monde, je suis là. Dans l’exaltation et dans la peine. Dans les errances. Dans les silences. Les foisonnements. Je suis là. Ici et maintenant je suis là.
Il faut parfois le désert pour que cette parole advienne. Son insignifiance et sa grandeur.
Je t’embrasse.
Ulysse