Les entrailles du monde

Je marchais encore quand l’orage survint. Il fut si violent, qu’au cœur de la nuit qui s’est abattue sur moi, j’ai trouvé refuge dans cette galerie souterraine. Mais les labyrinthes franchis pour parvenir dans ce ventre de terre me paraissaient à présent indéchiffrables … Revenir sur mes pas était impossible. J’étais protégé mais orphelin du ciel et des immensités libres. Étrange déchirement…
Me sentir ainsi prisonnier me terrifia. J’ai alors cherché longtemps dans le dédale des galeries à la recherche d’un puits de lumière. Des heures entières contre les parois inhospitalières à essayer de me hisser à la force des bras. Des jours passés à tenter de trouver le chemin direct. A m’épuiser dans ces ascensions trop abruptes …
Puis je me suis assis. De fatigue. De consentement. J’ai offert le poids de mon corps à la terre gorgée d’eau. Je me suis enfoncé en elle. J’ai fermé les yeux. Longtemps. J’ai accueilli l’obscurité, les profondeurs, le ventre de la terre, son silence opaque. Je les ai déposés comme un germe au creux de mon corps et de mes entrailles caverneuses.
Et là, contre les soubassements du monde, j’ai entrevu une brèche. Je me suis dénudé sans un mot et dans les eaux noires, j’ai glissé mon corps. J’ai avalé mon souffle avant de plonger dans le gouffre souterrain qui s’ouvrait sous mes pieds. En moi il ne restait rien que ce flot des profondeurs qui avançait vers l’inconnu.
Le temps s’étira comme une nuit d’hiver … Puis revint la clarté et le goût de l’air jusque dans mes poumons. Sans séisme. Sans cri. Le premier souffle d’une vie revenue des ténèbres. Comme le grain meure en terre pour que puisse advenir le germe neuf et sa vigueur. Comme il faut attendre le plus noir de la nuit pour y voir les étoiles …
Où es-tu ? Chaque jour, je t’espère. Tes mots, tes lettres. Ton parfum sur le papier. L’odeur de la terre qui te porte. Sans cesse, je t’espère.
Me reconnaitras-tu ?
Ulysse